Pascal CLEMENT, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, a présenté le 22 mars en conseil des ministres une ordonnance réformant profondément le droit des sûretés. Le garde des Sceaux et Thierry Breton, ministre de l’Economie des Finances et de l’Industrie ont présentés le dispositif à la presse.
Les sûretés garantissent l’exécution d’une obligation et ont pour finalité d’assurer au créancier le remboursement de sa créance en cas de défaillance du débiteur. Elles sont essentielles au bon fonctionnement de l’économie, car c’est en offrant au créancier des garanties sérieuses de remboursement, que celui-ci sera enclin à « faire crédit » et que le débiteur pourra disposer des fonds nécessaires tant pour ses besoins personnels que pour le développement de son activité économique.
Or le droit français des sûretés est dans une large mesure issu du code civil de 1804. Il devenait donc urgent de réformer la matière afin de doter l’Etat d’un droit des sûretés cohérent, moderne et efficace.
Cette ordonnance :
- Améliore la lisibilité du droit des sûretés en regroupant l’ensemble de la matière dans un livre Quatrième du code civil.
- Simplifie la constitution des sûretés réelles mobilières en consacrant notamment le gage sans dépossession qui permet à un débiteur de conserver l’usage de la chose qu’il met en gage.
- Rend possible le gage par une entreprise de ses stocks sans dépossession, lui permettant ainsi, tout en conservant l’usage de ces derniers, d’obtenir de la trésorerie pour investir.
- Facilite la réalisation des sûretés en mettant notamment fin à la prohibition du pacte commissoire. Les parties pourront ainsi convenir dès la constitution du gage que le bien deviendra la propriété du créancier en cas de défaillance du débiteur.
- Modifie les règles applicables au gage portant sur un véhicule automobile en le soumettant à un régime unique figurant désormais dans le code civil.
- Modernise le droit de l’hypothèque, en allège les coûts, en simplifie la mainlevée et la purge.
L’hypothèque rechargeable
La réforme permettra de rendre possible en France une pratique connue dans nos pays voisins : le rechargement de l’hypothèque. Le rechargement consiste, pour l’emprunteur, à réutiliser sans nouvelle formalité, une hypothèque initialement inscrite à l’appui d’un premier prêt, le plus souvent immobilier. Le remboursement partiel du prêt initial dégage donc une nouvelle « surface de garantie » qui permet d’obtenir un nouveau prêt à des conditions peu onéreuses, par exemple pour ré-équiper la maison ou faire des travaux après dix ans.
Le viager hypothécaire
Dans le cadre de la réforme de l’hypothèque, un cadre législatif et réglementaire adéquat permettra le développement d’un produit bancaire aujourd’hui confidentiel : le prêt viager hypothécaire. Ce produit consiste en un prêt dont le capital et les intérêts sont remboursables in fine, au moment du décès ou du déménagement de l’emprunteur. Ce prêt est gagé par une hypothèque sur le bien immobilier et l’emprunteur est sécurisé par le fait que sa dette ne peut dépasser la valeur du bien au moment du remboursement.
Accessibles aux personnes âgées et retraités, ce type de prêt, qui peut être versé sous forme de rente ou de capital, permet d’obtenir des liquidités de son patrimoine sans s’en dessaisir, pour compléter les revenus de sa retraite, faire face à des dépenses imprévues (dépendance, réparation du logement) ou aider sa descendance (études des petits-enfants…). Au décès, la succession peut choisir de racheter le bien en remboursant le prêt, qui peut alors être ré échelonné. A défaut, elle bénéficie de la valeur résiduelle du bien après remboursement. Le développement de ce type de produit nécessite des adaptations législatives (par exemple, le code civil prévoit aujourd’hui une durée maximum de l’hypothèque de 35 ans), notamment pour prévoir un régime adapté de protection des emprunteurs.
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